Glossaire
Pour éviter de sombrer dans la guerre de l’incompréhension ou la folie de l’incommunicabilité, une collection de quelques mots auxquels s’abreuvent ma pensée et à partir desquels elle se déploie. La souplesse du sens qu’ils prennent dans l’action ne pouvant être permise que par l’intransigeante rigueur apportée à leurs définitions
Définitions Personnelles
Historiquement, La Multiversité Populaire s’inscrit dans la continuité de l’œuvre de Georges Deherme, le père fondateur des Universités Populaire à la fin du XIXème siècle. Son objectif est d’être à l’épistémologie ce que le concept de monde multipolaire est à la géopolitique. Autrement dit, elle permet l’accomplissement de la transition d’une vision universaliste et unipolaire du monde à une vision multipolaire et multiversaliste de celui-ci. Cette vision postule que chacun de nous contient une multitude d’univers en lui. Nous sommes donc tous des multivers. La Multiversité Populaire est ce lieu où ces rencontres et collisions enrichissantes entre les différents multivers individuels et collectifs pourront prendre place. Ce sont de nouveaux paradigmes qui y seront activés . Elle sera le lieu où de nouvelles approches de la transmission des savoirs pourront émerger. Des approches plus variées, plus diversifiées qui prendront en compte la multiplicité des moyens de transmettre ces savoirs et savoirs faire. Par le corps. Par les émotions. Par le mental. Par les facultés psychologiques. Des approches cherchant à aligner ces différentes facettes et angles entre eux. Qui prendront chacun et chacune là où il est en fonction de qui il est. Un lieu où réconcilier les savoirs pratiques et manuels avec ceux plus théoriques et intellectuels. Y sera articulée une langue aussi savante que populaire où seront prodigués au plus grand nombre un accès à des savoirs et savoirs faire de qualité, respectueux de la Terre et des Humains, permettant de développer des niveaux d’autonomie et de convivialité inédits.
Quant à sa conception architectonique, la Multiversité Populaire sera une Alma Mater organisée géographiquement de façon décentralisée et fractale. Par décentralisée, nous entendons qu’elle peut avoir lieu partout, là où sont transmis des savoirs et des savoirs faire en fonction des paradigmes fondateurs qu’elle a posé. En ceci, elle permet de créer de facto, une authentique communauté de valeurs internationale de personnes unies par leurs actions, leurs cœurs, leurs paroles et leurs pensées, leurs curiosités et leurs volontés de partage, au sein d’un réseau souple, éclectique et protéiforme d’acteurs et d’actrices du changement. Par fractale, nous entendons que la Multiversité reproduira « des formes » permettant :
1. la circulation fluide et optimale de l’information des lieux les plus petits qui la composent ( un salon, un jardinet, un garage, un banc public) aux lieux les plus grands ( ses plateformes en ligne, ces grands établissements de transmission de connaissances ) au sein de l’ensemble du réseau ( de Bruxelles à Canberra, de Tombouctou à Ushuaïa).
2. de toujours favoriser la présence de tous les thèmes au sein de chaque groupe géographique et de toutes les géographies au sein de chaque groupe thématique ( cellules thématiques et cellules géographiques ). Cela étant la condition pour que puisse émerger, à terme, des relations de solidarité et de partage au niveau international ainsi que de véritables approches enrichissantes de type pluri- et transdisciplinaires.
3. de fournir les moyens de passer des logiques de l’infiniment grand à celles de l’infiniment petit. Autrement dit, de mettre à disposition les outils cognitifs nécessaires pour que chacun et chacune puisse effectuer par la pensée ce passage à l’échelle de grandeur désirée.
Tout ceci nous autorise à passer à la définition courte et condensée de la Multiversité Populaire. Elle sera donc un outil convivial de transmissions des savoirs développant en son sein une langue tant savante que populaire, en des lieux répartis de manière décentralisée où un maximum de disciplines seront étudiées et pratiquées selon une approche holistique, pluridisciplinaire et multidimensionnelle de la Connaissance ( corps – cœur – intellect – psyché ) en fonction d’un paradigme régénérateur permettant aux communautés humaines de développer par, pour et d’elles-mêmes leurs autonomies respectives.
Ce mot recouvre plusieurs acceptions selon les domaines desquels il participe. On parle de paradigme en sociologie, en philosophie, en logique formelle, en mathématique, en programmation informatique, en esthétique etc. Toujours avec cette constante : un paradigme désigne ce qui est posé avant que quoi que ce soit ne jaillisse. Il est ce qui préside à l’apparition des choses avant que celles-ci n’apparaissent. Le paradigme possède donc une faculté d’ordre matricielle faisant fonction d’origine, de source et de fondation à partir duquel toutes les pensées et les actes peuvent se déployer. Il révèle donc un certain a priori sur le Monde, un certain regard posé sur lui qui déterminera les actions que nous accompliront. Ainsi, pour être validé par la pratique, un système paradigmatique doit se doter d’une batterie de démonstration de sa validité.
• axiomes qui combinés entre eux généreront
• des propositions qui combinées entre elles généreront
• des résultats qui seront vérifiés et qui seront validés ou non en fonction de leur degré de correspondance avec le paradigme initialement postulé.
Concrètement, qu’est-ce-que cela veut dire pour nous ? Prenons comme exemple le paradigme écosophique permettant le passage d’une économie prédatrice et destructrice à un système d’échange basé sur le respect mutuel des différents acteurs impliqués. Sa triade étant la suivante : abondance-circulation-coopération.
La Multiversité se doit donc de générer par son activité une libération de l’abondance sur un mode coopérativiste ainsi qu’une mise en circulation de l’abondance produisant des réalités vécues de prospérité partagée pour l’ensemble de ceux qui participent à ses activités. Nos axiomes pourraient être ceux du coopérativisme, du mutualisme, de la gouvernance partagée et de l’économie circulaire par exemple. Mis ensemble, ils génèrent des propositions : entreprise à vocation socio-culturelle, asbl d’éducation populaire, actions de conscientisation et d’éveil à la citoyenneté participative etc. Ensuite, il s’agira d’analyser les résultats obtenus et de les mettre en regard avec le paradigme posé. L’abondance générée a-t-elle été correctement distribuée. Le modèle relève-t-il bien d’une distribution de type coopérativiste ? Nos niveaux d’autonomie, sur une échelle de 0 à 10, ont-ils été augmenté par rapport à la situation de départ ? Le processus pour obtenir cette augmentation a-t-il été convivial ? Une fois cela effectué, l’on peut effectuer une estimation des résultats et voir ce qui peut être fait pour les améliorer lors de la prochaine traversée nous amenant de la métathéorie ( le paradigme ) qui est reconnue comme étant bonne par toutes et tous, aux axiomes ( qui composent la théorie ), aux propositions ( qui composent les postulats ), pour finalement parvenir aux résultats ( qui sont la conséquence de la mise en pratique de tout ce qui précède ). Nous insistons autant sur la définition du mot paradigme car nous le savons utilisé par tant de personnes plus ou moins à tort et à travers. Que ce mot, correctement compris, pose une exigence de rigueur, de discipline et de méthode absolue. Rigueur et discipline n’excluant d’ailleurs en rien les notions de souplesse et d’improvisation. Que ce mot, correctement compris, exige de distinguer les niveaux de la métathéorie ( une ), de la théorie ( plusieurs ) et de la pratique ( infinies ). De devoir poser un regard conscient, attentif et objectif sur ce que nous faisons. D’être en mesure de critiquer notre propre travail, loin, très loin de toute posture idéologique a priori. L’approche méthodique requise par un déroulé de manifestation paradigmatique nous faisant passer de la pensée et du concept à la matérialisation en acte de celui-ci, est ce qui nous oblige à intensifier notre relation au réel et de faire en sorte que notre subjectivité se confonde encore et toujours plus avec l’objectivité de celui-ci. S’il implique de ne pas prendre ses rêves où ses lubies pour des réalités a priori et in situ, il regorge, dans le cheminement qu’il propose, de pouvoir transformer ses rêves en réalité in situ et a posteriori, si nous parvenons à faire les bonnes choses dans le bon ordre.
« Bien qu’ayant l’Esprit vaste comme le Ciel, je porte à chacune de mes actions, une attention aussi fine que la farine ».
Cette citation de Padmasambhava ( 8ème siècle apr. J.-C. ), l’introducteur des doctrines bouddhiques au Tibet, nous indique le travail à accomplir. Ne pas confondre la théorie de l’action ( l’Esprit ) et la mise en pratique de la théorie ( l’action ). Elle nous permet également d’ouvrir une définition chère à la Multiversité Populaire. Celle de cosmocitoyenneté.
La notion de cosmocitoyenneté nous ramène directement à la notion de cosmopolitique. D’abord, il s’agit de définir ce qu’est un citoyen. Notre définition s’inspire de l’Ethique à Nicomaque d’Aristote et peut être énoncée comme suit : le citoyen est la personne qui, vivant dans sa Cité, membre d’une communauté, décide délibérément d’exercer ses responsabilités au sein de ladite communauté, en ayant :
• le souci permanent de l’équité et de la justice
• le souci de l’intérêt général, des biens communs et de sa communauté
• le souci de se développer lui-même
Le citoyen participe donc activement à la vie politique de la communauté dont il fait partie. Et c’est parce qu’il exerce ses responsabilités politiques qu’il est un citoyen. Le devoir premier et dernier du citoyen étant donc de prendre soin de ce qui l’environne, de la communauté de laquelle il fait partie, comme de lui-même. Si son enracinement physique est local, car ne pouvant se situer que là où il se trouve, il n’en reste pas moins qu’afin d’empêcher la possibilité d’un localisme fermé d’esprit, qu’une dynamique se doit d’être amenée par l’activation des fonctions d’un imaginaire ouvert à l’extérieur, et donc au cosmos, au « Grand Autre ». Cet imaginaire ouvert à l’infini, aux ailleurs, aux voyages, aux découvertes, aux explorations et aux rencontres, nous l’appelons l’imaginaire cosmocitoyen. Cet imaginaire permet de faire en permanence le lien entre les niveaux de vie locaux et les niveaux de vie globaux, entre l’ici et le là, entre moi et l’autre. Autrement dit, d’articuler un dialogue permanent et fertile entre l’infiniment petit et l’infiniment grand. Lorsqu’un être vit consciemment ce dialogue entre son intériorité et toutes les extériorités possibles, inévitablement, c’est une forme d’ouverture naturelle à l’infini qui s’opère en lui. Ce sens des responsabilités localement situé et cette ouverture au Cosmos et à l’infini qui entoure et compose l’individu est ce que nous nommons cosmocitoyenneté. Ce type de conscience-là, nous la jugeons désirable et souhaitable. La vivre ne constitue en rien une condition de participation à la Multiversité. Simplement, celle-ci cherchera à activer l’émergence d’une telle conscience en chacun et chacune dans l’immense pluralité et diversité des cultures existantes sur Terre.
Le principe cosmocitoyen peut donc être perçu comme une forme de meta-culture aspirant à une inclusivité qui n’homogénéiserait pas les identités culturelles existantes, mais qui plutôt chercherait à développer en chacune d’elle une capacité de dialoguer entre elles dans un souci de respect mutuel, de concorde et de paix.
L’autonomie est comprise au sein de la Multiversité comme un phénomène multidimensionnel et progressif. Comment, les êtres humains vont devenir autonomes politiquement en se donnant des assemblées délibératives et décisionnelles démocratiques et participatives par exemple ? Comment peuvent-ils devenir autonomes physiquement en se dotant de capacités de production qui leur appartiendraient en propre et dont les fruits de leur activité leur reviendraient naturellement à travers des coopératives de productions ? Ces formes d’autonomies pouvant également être entendues émotionnellement, intellectuellement et psychologiquement en ce que celles-ci seront influencées et nourries par la joie souveraine procurée par le fait de produire par nous-même ce qui nous rend chaque jour plus autonome et souverain.
La Multiversité Populaire se donne pour objectif de partager ce type particulier de savoirs et de savoirs faire, qui, lorsque compris en théorie et maîtrisés en pratique, permettra de progressivement augmenter encore et toujours plus ces niveaux d’autonomie et de souveraineté populaire. De le faire en fonction des spécificités de chacun. De ce qu’il ou elle désire apprendre ou faire. De là où il ou elle se trouve. De ce dont quoi il ou elle est capable. C’est seulement en procédant de la sorte, que ces processus nous engageant sur les voies de l’autonomie multidimensionnelle pourront être qualifiés de conviviaux. Autrement dit, lorsque nous faisons les choses par et pour nous-mêmes via des processus de gouvernance décidés par et pour nous-même, alors et seulement alors nous pouvons dire que nous devenons autonomes par des moyens conviviaux.
Nous utilisons le mot « holistique » dans le sens le plus strict de son origine étymologique et philosophique :
Doctrine ou point de vue qui consiste à considérer les phénomènes individuels ou particuliers comme faisant partie de la totalité dans laquelle ils s’inscrivent. C’est donc un système de pensée pour lequel les caractéristiques d’un être ne peuvent être connues que lorsqu’on le considère et l’appréhende dans son ensemble, dans sa totalité, et non pas quand on en étudie chaque partie séparément. Ainsi un être est entièrement ou fortement déterminé par le tout dont il fait partie. Un système complexe est considéré comme une entité possédant des caractéristiques liées à sa totalité, et des propriétés non-déductibles de celles de ses éléments.
Un peu comme ce glossaire, qui a été conçu de manière holistique. Chaque définition étant un de ses éléments. Chacune complétant les autres, voir répétant ce que dirait une autre mais sous un angle et un rapport nouveau. Aucune en particulier ne pouvant faire comprendre ce qu’est le projet de la Multiversité Populaire dans sa globalité. C’est donc par la connaissance de l’ensemble de ce qui la définit qu’une compréhension claire et synthétique de la mission, des fonctions et de la conception de Multiversité Populaire peut émerger. Le « tout » dépassant donc la simple somme de chacune de ses parties.
L’écosophie est un néologisme ( oikos, le foyer et sophia, la sagesse ) qui répond à la triade paradigmatique destructrice de l’économie du système-monde dominant. Cette triade ayant la rareté, l’accumulation et la compétition pour piliers principaux, c’est tout naturellement que l’écosophie postule celle de l’abondance, de la circulation et de la coopération pour y remédier.
Dans l’espace existant entre l’économie et l’écosophie, au travers duquel peut se dérouler la traversée de l’une à l’autre, il existe d’innombrables possibilités de réussites comme d’erreurs, de tentatives et d’inventions, d’explorations et d’expérimentations. L’écosophie se doit donc de devenir une sagesse pratique, une science permettant le passage de la théorie à la pratique de manière conviviale. Un art de la navigation dans les eaux troubles et agitées de la réalité. Elle réclame de chacun et chacune de travailler sur ses dimensions intérieures, pour que conformément et à hauteur de la qualité de ce travail, les dimensions extérieures s’en retrouvent impactées ipso facto. L’adage socratique, sur lequel repose la tradition philosophique de l’Occident ( mais en Orient c’est pareil ), « connais-toi toi-même » nous accompagnera tout au long de cette quête. Sans le mettre en pratique, nous serions comme des aveugles ( l’absence de travail sur soi ) se promenant par une nuit noire ( le système-monde actuel ) et qui auraient la prétention, parce qu’équipé d’une lanterne ( un bon paradigme ), de pouvoir trouver notre chemin au milieu d’un champ de mine ( les habituels écueils et pièges intérieurs et extérieurs auxquels sont habituellement confrontés ceux et celles qui souhaitent « changer les choses » ).
L’écosophie est donc une nouvelle science qui cherche à articuler selon une méthode multidimensionnelle, systémique, pluridisciplinaire et holistique une vision cohérente, consistante, régénératrice et joyeuse de la réalité. Pour elle, la Vie est un miracle. Statistique ad minima, et métaphysique dans le plus fantastique possible des cas.
Les Sources